lundi 18 juin 2007

Partie 2 - Chapitre 3 - Emergence souterraine

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La terre dont la fertilité était connue de tous se montra cette fois ci plus que généreuse. En effet il s'était écoulé bien peu de temps depuis la décision sans appel de la petite graine, lorsque le sol se craquela pour laisser échapper une drôle de forme ronde et rose. La plante, il faut bien l'appeler ainsi, était nouvelle, étrange et bien peu répandue dans ce vert paysage. Il faut dire que c'était une tête humaine. Une tête d'enfant. De nourrisson à dire vrai. C’était un jour, c’était une heure et en l’absence de témoin ou d'oservateur humain cet accouchement ne serait pas répertorié et cet heureux évennement serait à jamais exclu des tablettes de l’état-civil. Le visage était rond comme un melon, la fontanelle était molle et les yeux encore clos. Mais cette plante était bien vivante. Car depuis son nez mutin un mince filet de respiration s'échappait. Le nouveau-né ne prenait pas encore conscience de son émergence. Pourtant, des profondeurs dans lesquels il se terrait depuis si longtemps le nouveau-né s'était extrait avec un grand courage. Il n'avait ni cou, ni corps et il était là planté au milieu de nulle part. En guise de bénédiction matinale une légère bise vint balayer son crâne et emporta avec elle la terre qui en recouvrait le sommet. On put ainsi aperçevoir le peu de cheveux clairs qui parsemaient la petite tête. Et cette tête était chétive et si fragile... Mais au-delà de son apparence frêle, bien normale chez le nouveau-né, c’est l’extraordinaire beauté de l’enfant qui brûla les yeux de ceux qui étaient là. Ce visage là était une chance pour celui qui le regardait, une ligne d'arrivée dans une quête de perfection. L’herbe alentour décida, pour un temps, de stopper son mouvement, l’arbre retint sa sève, le vent cessa de souffler, l’animal oublia sa proie. Car confrontés à l’exceptionnel éclat de la plante humaine qui se dégageait des entrailles du sol, tous restaient subjugués, conscients que désormais rien ne serait plus pareil. Les minutes passaient et les éléments demeuraient figés. Le temps s'accordait une pause, une pause que personne n'osait interrompre. L'instant était magique le recueillement total. Là-bas, non loin, une fleur qui s’apprêtait à éclore interrompit son spectacle. Plus au fond, une feuille resta suspendue à sa branche par on ne sait quel miracle, tandis qu’au pied de l’arbre une fourmi agonisante de fatigue se retint de mourir quand bien même le couloir de lumière divin s’ouvrait à elle. Admiratif, un oiseau oublia de battre des ailes, plana puis s’écrasa sans mot dire, sans bruit faire. Ici-bàs les choses allaient ainsi… Le visage de l'enfant, bien enfoui dans sa terre maternelle, affichait l'expression même de la quiétude. Et cette sérennité se serait volontiers prolongée si tout à coup un vacarme ne s'était fait entendre. Quelle incursion déplaisante! Quel manque de tact! Et d'où provenait-il d'ailleurs? C'était l'un de ces gros brouhahas aérien que seul une machine volante était capable de faire. Oui, cette souffrance auditive était celle d'une mécanique rugissante. Un avion? peut-être je ne sais pas... Une honte? Pire une insulte à la pureté. La mécanique n'a que faire d'un moment unique. Le fracas mit toute cette petite nature en émoi. Et tandis que la fleur qui avait retardé son éclosion faisait alors le choix de faner, l’enfant-tête ne trouva rien de mieux à faire que d'éveiller sa conscience. Sa première expérience du monde, un réacteur et un moteur. S'ensuivit un cri. L'enfant venait de découvrir ses cordes vocales et il gémissait. C'était sa réponse à l'attaque venue du ciel. Un cri strident, proche du hurlement. En provenance des abîmes les plus profondes il se projeta contre chacune des parois du monde pour les en imprégner et leur signifier que ça y est, la graine avait prit forme humaine. La plus belle des forme, celle de la colère qui monte. La sérennité envolée, la sauvagerie habituelle de la faune et la flore était en droit de reprendre là où elle s’était arrêtée. Alors, chacun retourna à ses occupations sans guère se soucier de l’enfant prisonnier du sol qui criait. Les proies remplirent des estomacs et les herbes plièrent aux grés des vents. Cela dura un temps, car le cri continua et rien ne semblait pouvoir l'interrompre. À présent il n'y avait plus de beauté encore moins de perfection. À la place se dressait un visage monstrueux déchiré de toutes parts, aux veines bleues gonflées à bloc n'ayant de cesse de venir taper avec véhémence dans des tempes rouge feu. Et alors que défilait le chrono de la première journée du nouveau-né ses gémissements se faisaient de plus en plus horrible. Il beuglait à tout va et jamais il ne s'accordait une pause pour reprendre sa respiration. C'était tout son passé de graine contenu depuis des lustres qui explosait au grand jour. Ce capharnaüm eut bientôt pour effet d’énerver voire d’exaspérer les animaux rôdant autour de l’enfant-tête. L’effet de stupéfaction béate due à l’émergence de la tête était maintenant oublié et la présence de l’enfant commençait à susciter quelques idées de frugal repas. D’autant plus que le petit bout de chair semblait grossir et grandir à vue d’œil. Toutefois les rôdeurs restaient intrigués par sa présence et quand bien même ils se l’imaginaient volontiers dans l’assiette ils n’osaient l’approcher tant les hurlements avaient en eux cette capacité à perçer les tympans. Et alors que le soleil amorçait son lever, le cerveau de l’enfant-tête suggéra un possible lever de paupières. Ne cherchant pas à désobéir pour son premier jour sur Terre, il les souleva laissant apparaître de délicieux yeux en forme d’amande. Et pénétré par la luminosité le gamin ferma son clapet soudainement. L'éblouissement était total. Ses yeux tout neufs allaient prendre feu. La magnificence du jour avait ce pouvoir. Mais après une phase d'adaptation l’enfant écarquilla. Il écarquilla jusqu'à n’en plus pouvoir. Ce matin c’était comme si les premiers rayons de soleil lui avaient été réservés. Il se les prenait en pleine face, ces rayons, qui le caressaient, le réchauffaient, l’embrassaient. Dans le désordre qui régnait depuis qu’il avait craquelé la croûte terrestre, la nature venait de reprendre le dessus. Sans voix, l’enfant-tête comprit que ceci était tout à la fois, le jour, la lumière, la clarté et le soleil. Il sentait sur ses racines encore souterraine l'Oracle grimpé, vibrant de toute sa graine à l’écoute des émotions corporelles transmises par l’enfant. Et il ne se trompait pas car effectivement le prophète souterrain rayonnait, bien que ce terme lui soit inconnu. Il en avait écouté tant et tant. Mais jamais il n’avait ressenti ce degré de jouissance. Par la fissure crée dans le sol la lueur entrait presque si l’on se donnait la peine d’y croire. Au dessus, la croissance de l’enfant se maintenait à un rythme soutenu aidé en cela par les premières larmes de joie qui lui coulait du visage et venait humecter la terre. Le cou à présent dégagé, l’enfant entama une rotation afin de découvrir les merveilles qui jusqu'à ce jour lui avaient été dissimulées. Ici où la, il reconnaissait quelques pousses qu’il avait côtoyé lorsqu’elles n’étaient encore que des graines. L’enfant ne leur en voulait aucunement de ne pas être redescendu le prévenir de la grandeur du monde de dessus car, en cet instant, lui aussi se sentait fin prêt à oublier à jamais son passé de graine.





... to be continued

la suite sera en ligne mercredi 27 juin

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