mardi 29 mai 2007

Chapitre 16 - Epilogue

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Je m’appelle Carol-Anne. Les gens disent de moi que je suis une enfant sage. Faut bien qu'ils parlent les gens. Même quand ils n'ont rien à dire. Ben oui c'est des adultes et les adultes c'est comme ça. Ça parle ça parle et ça ne dit rien. P'têt que s'ils se taisaient de temps en temps et prenaient le temps d'écouter le silence alors ils l'entendraient. Lui, le grand tourbillon. Celui qui tournoie sans faiblir dans mon corps de petite fille. Lui, il s'infiltre tout doucement sous ma peau et me pénètre. L'autre soir avant de gagner le dortoir je me suis bien regardée dans le miroir de la salle de bains et j'en ai conclu qu'il passe par dessous mes ongles. Juste après je ressens un léger picotement dans les mains. C'est sa manière à lui de me saluer, de me dire qu'il est là. Et puis il remonte mes bras. Il y a des jours où il se contente de gonfler mes veines sur son passage mais d'autre fois il est beaucoup plus violent et il retourne tout sur son passage. Je les sens, mes muscles, se soulever puis être transportés sur quelques centimètres avant de retomber. Il y a de la rage dans son mouvement dans la manière avec laquelle il s'approprie chaque repli de mon corps C'est sûr si les gens prenaient le temps de regarder alors ils verraient. Ils verraient que derrière une apparence sage la petite fille est toute chamboulée. Et qu'elle en a marre.



Des gens, encore des gens. Ils m'ont changé d'école après que mon papa et que ma maman ils soient morts. Avant j'étais une petite fille maintenant je suis une orpheline. Au début je pensais que c'était bien. Tous ils prenaient soin de moi, j'étais sacrément choyée. Et rien que le mot j'trouvais qu'il sonnait bien: or-phe-line, une féline en or. Mais au fil du temps cette attention m'est apparue comme de la surveillance. De la surveillance déguisée. Alors à présent je n'aime plus être orpheline. Au centre on est tous pareils. C'est les maîtresses qui le disent. Elles sont gentilles les maîtresses. Et pour nos parents et ben elles nous le répètent souvent "un malheureux accident de la circulation leur à coûté la vie". Tous s'accordent sur cette version. Les maîtresses pendant la journée et les infirmières le soir. Parce que dans ma nouvelle il faut rester dormir le soir. Le docteur aussi me parle de grave accident de la circulation. Et il insiste sur le mot "grave" comme si j'étais stupide incapable de comprendre l'irréversible de la situation. Il a faux. Son discours, toujours le même discours qui nous est tenu. À moi et autres enfants... euh pardon aux autres orphelins. Ce sont mes nouveaux amis. Comme moi ils doivent être malade. On s'amuse bien ensemble même si parfois je fais semblant. C'est difficile pour moi de prendre du plaisir tant que subsiste le mystère. Car je sais qu'ils me mentent. Tous. Peut-être arrivent-ils à faire croire aux autres que leurs parents sont des victimes de l'insécurité routière mais avec moi cela ne passe pas. Cela ne passe plus. Je sais qu'il y a quelque chose d'autre. Un secret enfoui que personne ne souhaite me révéler. Pourtant moi j'ai envie de le connaître. Savoir si mes parents sont vraiment morts - et si oui dans quelles circonstances? - ou s'ils m'ont abandonnés... Et s'ils n'avaient jamais existé, si je n'avais jamais eu de parents? Car moi, j'ai tout oublié. Les choses qui se sont passées se sont envolées. Comme de s'endormir et de se réveiller avec un passé effacé. Plus rien une vie qui recommence. Ou plutôt une vie qui se cherche.


Parfois, souvent et de temps en temps quelqu'un vient me parler à l'oreille. Quand je n'arrive pas à trouver le sommeil et que mes yeux restent grands ouverts il se penche à ma hauteur. Au début il se montre agréable. Puis quand je lui pose la question de savoir ce qui s'est passé il s'énerve sans que j'en comprenne la raison. Son visage prend des couleurs et il me dit avec une violence qui m'est interdite à l'orphelinat "Pourquoi cherches tu à remuer la merde? Le passé est enterré ton avenir est droit devant alors avance bordel, regarde devant toi et marche sans te retourner."


Rarement, jamais et de temps en temps ces mots atteignent mon cerveau. Ce sont les mots de la raison. Je sais que celui qui les prononce souhaite mon bien et je voudrais qu'il me croit lorsque je lui dis que j'essaye. Car oui, j'essaye, d'avancer et d'aller de l'avant. Je suppose que les autres orphelins font de même et peut-être y arrivent-ils mieux que moi. Car pour moi cela s'avère être une voie sans issue. Aller de l'avant je n'y arrive pas. Sans arrêt je me heurte à un mur qui m'impose un demi-tour immédiat. Comme si ce mur, ce simple amas de pierre, s'érigeait là pour me signifier quelque chose. Du genre Attends petite, n'avance pas trop vite tu as oubliée ton passé derrière toi... Retourne toi, marche à contre courant et tu le trouveras.



C'est à tout cela que je pense quand la surveillante éteint la lumière du dortoir. C'est le soir, le moment de la journée qui ne m'aime pas. Oui il ne m'aime pas. Les gens, ils demandent souvent aux enfants: Dis moi quel est ton moment de la journée préféré? Une fois de plus les gens se trompent, ils posent la question à l'envers. Ce n'est pas nous qui choisissons les moments, ce sont les moments qui nous choisissent. Ils choisissent de nous aimer ou de nous haïr. Et je crois que la nuit m'a pris en grippe. Depuis si longtemps déjà... Dans mon lit je suis seule et j'ai peur. Il rode au dessus de moi. Le rêve noir. Il attend la nuit et l'extinction des lumières puis plonge sur moi dès que paupières glissent sur mes yeux. Il m'amène avec lui et je ne peux lutter. Je crie, je crie, je crie. Mais son emprise ne se relâche pas. J'ouvre les yeux je suis dans un cimetière. Là encore il fait sombre et je suis seule. Je suis agenouillée devant une tombe. Je crois que je prie. Oui c'est cela je prie. Je me souviens de ce passé enterré dont me parle si souvent les médecins. Alors je me dis et je suppose que c'est mon passé qui est au fond de la tombe. Ma robe est blanche mais je m'en fous de la salir. Je creuse de mes petites mains. Je fais le maximum mais cela n'avance pas mes mains sont trop petites. Allez encore un effort tu peux y arriver. Je m'encourage mais je suis si essoufflée. Pourtant à n'en pas douter le secret est juste en dessous. Et s'il n'est pas entièrement bouffé par les vers alors il va m'être révélé. Et quand bien même il le serait cela importe peu. Dans l'obscurité de simples bribes de mon passé auraient valeur de trésor. Je crois alors distinguer un objet brillant. Je reprend confiance et j'accélère mon mouvement. Mais je n'arrive pas à dégager cet objet. Mince! Je suis si déçue... Une main se saisit alors de mon bras et m'attire vers elle. C'est une main d'homme. Elle est si froide que son empoigne m'est douloureuse. Je me relève et je marche au côté de l'homme. Je lève la tête mais je n'arrive pas à voir son visage. J'aimerais que ce soit mon papa mais je ne suis sûr de rien. Un brouillard enveloppe toute la partie supérieur de son corps. Nous ne sommes plus dans le cimetière. Non à présent nous somme dans une prairie. Oui c'est cela une verte prairie. Il y fait beau et je crois ressentir un soupçon de bonheur. Mais cela n'est que provisoire. Car bientôt les nuages viennent obscurcir le ciel... Et maintenant voilà un orage qui gronde. Alors l'homme dont la main est toujours aussi glaciale commence à courir. J'ai du mal à suivre son rythme mais je m'active au mieux. Tout est confus. Je n'ose me retourner de peur d'être poursuivie par une force malveillante. Et puis, nous nous arrêtons brusquement. Nous ne sommes plus seul. Là, sous notre regard il y a ce mort. Son corps est étendu dans la verte prairie. Il y a beaucoup de sang. Il y en a partout. On ne peut pas le reconnaître parce que son visage est tout abîmé, à cause de la balle qui lui a traversé le crâne. C'est peut-être un monsieur mais je n'en suis pas certaine. Et moi je dis à mon peut-être papa « C'est l'un des nôtres pas vrai? » Je lève alors les yeux vers lui. La brume qui enveloppait son visage s'est dissipée. Et je le vois, et lui il peine à cacher la peur qui prend possession de son être. Son visage dessine alors une affreuse grimace et se met à couler comme s'il allait se décomposer. Il fuit de partout. Oui l'homme se vide. Ses yeux, ses oreilles et ses narines ne peuvent plus retenir son sang. Il a tellement peur car il sait qu'à son tour il va mourir. Je suis effrayée. Alors je me réveille.




- Fin de la première partie -





... to be continued

le chapitre 1 d'undercorps sera en ligne mercredi 6 juin





1 commentaire:

Anonyme a dit…

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