mardi 1 mai 2007

Chapitre 12 - Dommage que le pays des merveilles soit une illusion, j'eus volontiers troqué Dorothée contre Alice...

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Ils sont cinq. On dirait une de leurs réunions. Une réunion du club, du club des cinq. Mais ici la bibliothèque n'est pas rose ou alors elle l'est d'un rose tape-à-l'oeil, un rose porno. Ils sont réunis dans la cuisine. Cette joyeuse bande de copains aime à se retrouver autour d'une bonne table, d'une bonne viande. En ce jour celui qui reçoit est un petit bonhomme rondouillet du premier étage. On ne le voit pas souvent. Il porte des petites lunettes rondes, rase les murs et scrute le sol. À moins qu'il ne regarde ses bottes bien cirées. On sait pas... Il est barbu et son nom est Munchkins. Il me fait penser à une souris. Toujours apeuré j'ai l'impression que son coeur qui bat trop vite va finir par exploser si quelqu'un lui adresse la parole. Tiens salut Munch' comment ça.. BAAMMM!!! Pas drôle une mort intra-explosive. Mais je dois me tromper car de l'entrebâillement laissé par la porte ouverte je le vois et il semble plutôt à l'aise. Il n'est plus l'homme voûté et usé par le poids des années. Pour la première fois je le regarde comme une homme plein d'assurance et de confiance en lui. Il montre beaucoup d'éloquence quand il prend la parole. Il se permet même quelques quolibets et calembours foireux. Je me demande si ce n'est pas le frêre jumeau de Munchkins. Un second Monsieur Munchkins. J'y réfléchis quelques secondes puis je conclus que non. C'est mon Munchkins et pas un second Munchkins. Il n'y a pas de second chez les Munchkins. Et c'est bien le même homme qui, si discret quand je le croise, deviens chaud comme un M.C. et lourd comme un marteau quand il se retrouve dans sa cuisine face à son club de fornicateurs.



Mais à quoi bon parler de tout cela? L'intérêt d'un journal ne réside-t-il pas dans son aspect ultra-nombriliste? Ne dois-je pas être le héros de ma vie? Qui pourrait prétendre me voler ce rôle si convoité? Certainement pas un petit Munchkins... Mais reprenons. La vraie question est: Comment ai-je pu tolérer tout cela? Sous mes yeux grands ouverts j'ai laissé l'inacceptable naître puis exister. Je suis un aveugle non reconnu par la Cotorep. J'veux bien essayer de trouver une réponse à ce Comment mais pour cela il me faut revenir en arrière... et à ma rencontre avec elle.


Une relation d'écoute. C'est tout l'espoir que j'avais placé dans notre rencontre. Mais les facteurs ne valent pas mieux que les autres... Comment ai-je pu croire le contraire? Ils appartiennent à la gent humaine et nourrissent la médiocrité de la masse. Ne jamais accorder sa confiance à son facteur sera l'un de mes principes si une seconde vie m'est offerte. Je laisserais le facteur assurer sa distribution de courrier et s’il tente de sympathiser alors je le démonterais à grands coups de cric. Jusqu'à ce qu'il craque et que le grand cric le croque comme jurait le Cap'tain Haddock. Ma seconde vie n'oubliera pas les erreurs de ma première. Moi j'avais un peu abandonné l'idée de recevoir du courrier. Quand les gens me demandaient où j'habitais – ce qui n'arrivait jamais – je répondais là-bas ou un peu plus loin ou encore par-là... Mais quand ils insistaient et me répondaient d'accord mais l'adresse? C'est quoi ton adresse? je les regardais avec des gros yeux... qu'ils me renvoyaient dans la seconde. Pourquoi voulaient-ils mon adresse? Pour m'écrire? Très bien mais moi je n'avais aucune envie de courrier. Des enveloppes, des papiers, qu'il faut ouvrir, puis lire, puis trier, puis jeter ou classer. Et auxquels il faut bien souvent rédiger une réponse qu'il faut plier, mettre dans une nouvelle enveloppe, qu'il faut timbrer puis déposer à la poste. Et quelques fois il faut même y joindre un chèque. C'est donc très tard que j'ai su que j'avais une adresse postale. Et quand la petite dame prit l'initiative de porter mon courrier au pied de ma porte je ne sus comment accueillir ce geste. Oui ces lettres je m'en branlais mais je ressentais au fond de moi une satisfaction à voir quelqu'un s'occuper de ma petite personne. Son courage me frappait. Je l’imaginais comme quelqu'un de solitaire et combatif. Et je relativisais la pénibilité de mon existence. Si la difficulté quotidienne est inversement proportionnelle à la taille d'une personne alors son fardeau journalier devait être près de dix huit fois plus lourd à porter que le mien, moi qui mesure 1m80. Et le mien m'est tellement insupportable que je me suis résigné à le charger dans une brouette que je traîne, que je traîne... Voilà comment un sentiment nouveau de compassion fit son p'tit bout de chemin dans ma carcasse jusqu'alors épargnée par ces conneries sentimentales. Ma bouche ne sait pas dire les mots, alors mes bras offrirent. Des petits riens. Gâteaux, bonbons, alcool. Il y avait fort longtemps que je n’avais pas tenté d’apprivoiser un humain. Et comme cette espèce pense plus avec sa panse qu’avec tout autre organe, les friandises créèrent le lien social escompté. On aurait dit un renard poltron à qui j'offrais des morceaux de poulets. Les jours passèrent et elle s'installa chez moi. Cette amie peu encombrante allait bientôt envahir mon coeur. Sa présence avait du bon. Oui une relation d'écoute. Je me vidais de mes colères, je m'en débarrassais en les lui partageant. On dit que rien ne disparaît tout se transforme. Je ne sais si c'est vrai. Mes colères envolées jamais je ne les ai retrouvées. Avalées, digérées mais en quoi les a-t-elle transformées? Elle était ma thérapie de groupe. Un modèle réduit de thérapie. Dans un groupe où j'étais l'unique participant. Je lui parlais des heures durant de mon dégoût de l’autre et elle buvait. Mes phrases d'abord, mes phrases ensuite, mon sang enfin. Cet apaisement était le signe du bonheur trouvé. Je voyais des colombes blanches et la paix s'abattait sur mon monde avec la douceur d'un coucher de soleil. Absurde. Je déglutissais sur la terre entière puis souriais au monde. Ma petite dame, toujours écoutait, parfois intervenait. Elle ne demandait jamais rien mais mon sang elle attendait patiemment. Orgasme coagulant. Je pouvais enfin m'épancher ailleurs que sur ce cahier. Toute cette attention me fit chavirer. D’amour. Je la désirais ardemment. Et sans peine elle s’offrit à moi. D’abord timidement puis au gré des vents. Nous bavassions puis baisions. Un train-train quotidien finement régler. Rien d'extravagant, nous n'étions pas embarqués sur des montagnes Russes mais plutôt à bord d'un Corail. Rythme lancinant, paisible mais obsédant. Ça me changeais des prostituées de quartier. Comme si les sentiments avaient cet étrange pouvoir de remplacer l'huile de la mécanique bestiale par la sueur du désir. Elle accordait son mouvement sur le mien. La jouissance d'un homme est simple. Et pendant longtemps je m'en contentais. Le corps spongieux qui pendait entre mes cuisses griffées ne pouvait explorer son intimité humide alors c’est de mon sang que je la contentais. Pour ma jouissance j’éjaculais. Pour la sienne, je me coupais. J'étais servi tel une assiette de soupe. Et une cuillerée pour maman, et une pour papa... Nous étions deux, nous devenions un. Un plus un égal un. D'un épanouissement personnel à un épanouissement mutuel. De cet état, d'ordinaire enseigné par des baltringues de sophrologues et autres thérapeutes bien cons-cients je n'étais pas loin. Car ma niaiserie amoureuse pilotait mes sentiments. Le magicien des couleurs d'Arnold Lobel était descendu dans son atelier et venait d'inventer le rose. Ça n'annonçait rien de bon. Oh que non. Tout était trop facile. Mes journées de travail ne me pesaient plus. Elle filaient. J'étais pas loin de siffloter en prenant mon café. On aurait dit un parfait idiot. Même ma haine de tout semblait s'évaporer. Je tentais bien de m'y accrocher mais je manquais de conviction. J'étais confronté au même désarroi que rencontre un jeune cadre aux dents longues lorsqu'il se regarde dans un glace et se remémore son goût prononcé d'adolescent pour la révolution rouge. Ma haine n'était pas plus crédible qu'un pin's Che Guevara épinglé à une veste de costume. Je pensais avec un cœur. Avec mon cœur. Mais...



L’amour est un rongeur. Un castor. C'est une image. Pas un synonyme. Il ne s'agit pas de remplacer "J'ai beaucoup d'amour pour toi" par "J'ai beaucoup de castors pour toi". Non. L'amour est un pauvre castor. Affublé de grandes dents difformes il vous ronge sans cesse mettant votre chair à l’épreuve. Et moi je me laisse faire. Le pouvoir de dire non comme disait l’autre. Il faut savoir en user. Moi je ne savais pas, bien au contraire. La petite dame de la boîte aux lettres? Je souhaitais en faire mon épouse. Mais au-delà des tracasseries administratives qu'elle représentait – elle avait pas vraiment d'état civil - , j’optais pour la prise de conscience. Regarde le monde oui Mouss. Oui le monde est une bombe, oui pour le monde qui gronde mais n'oublie pas que le monde est ma tombe, le monde est ta tombe. Je décidai d'ouvrir les yeux. Et ce jour là mes paupières se soulevèrent pour ne plus jamais se rabattre. La suffisance amoureuse génère le laisser-aller du corps. Des années à me forger, à me construire et à me modeler... Tout ce travail réduit à néant... Je ne me voyais même plus grossir. Mon cœur était devenu l’élément perturbateur dans la liaison que vivais mon esprit avec mon corps. Je suis le coeur névrosé de Jack récitait à voix basse Edward Norton. Organe inexistant, tu deviendras organe interférant. Il me fallait donc apprendre à maîtriser ce muscle qui palpitait beaucoup trop. La vie est une courbe qu'il faut dompter pour en faire une droite. Et c'est une ligne vicieuse qui sait profiter du moindre égarement pour se tortiller. Alors, avec effort suivi, je devins plus strict dans ma conduite. Ce coeur il me fallait le dresser. La confidence, ok. L’affection sexuelle, ok. La récompense du sang, ok. Mais de passion, hors de question. Je ne voulais pas explorer plus loin la notion de vie de couple. L'heure de la baise froide venait de sonner. Deux morceaux de bidoche qui se frottent sous la lumière blafarde d'un néon surplombant l'étal à viande d'un boucher. Le sexe n’est qu’un domaine à visiter, un monument historique. La pipe à vingt euros ça vaut vraiment pas plus. Et au terme d’une guerre sans merci mon esprit remporta le combat qu'il menait contre mon coeur. Et une fois le viscère gangréné détruit je recouvrais ma tragédie...



... et elle, sa liberté. Idiot je la croyais mienne. Mais ma poupée ne m'avait pas attendue pour exister. Alors lasse de mes angoisses elle s'ouvrit aux autres. Peut-être en avait-il toujours été ainsi sans que je m’en aperçoive. S'était-elle jouée de moi? L’amour rend aveugle où comment cumuler les handicaps. Susciter la cécité, voilà un petit supplément d'infirmité. Histoire de se faire mal. Comme d'annoncer à un nabot qu'il peut stopper la soupe, il ne grandira pas. Les détails ne m'avaient pas alertés. Les regards de connivence des voisins, les messes basses et les chuchotements dans mon dos, les sourires narquois, rien de tout cela n'avait éveillé le moindre soupçon. J'attribuais tout cela à mon physique qualifié de déplorable par les non-initiés au beau. J'étais la risée du voisinage et alors? Je me sentais si bien dans mon insuffisance pondérale que je comptais y rester. Mais j’avais tort. Les voisins, oui, ils se riaient de moi mais pas de ce que j’étais. Un vulgaire cocu en fait. Celui dont les cornes n’ont de cesse de grandir. Et quand ils disaient « cuvette » ce n’était pas pour désigner l’ustensile que j’usitais pour dégueuler mon surplus nutritionnel mais bien pour nommer ma petite femme. Cuvette, celle que l’on remplit. Et moi, comme l’avaient chanté les Pixies, j’étais le caribou. I live cement I hate this street Give dirt to me I bite lament This human form Where i was born I now repent Caribou Give me white Ground to run And foregone Lets me knife Knife me lets I will get What i like (Je vis au milieu du ciment je déteste cette rue qui me rend sale je me lamente de cette forme humaine dans laquelle je suis né. Et à présent je me repends. Caribou. Donne moi une blanche raison de courir et de renoncer laisse-moi me poignarder poignarde moi j'obtiendrai ce que j'aime.) Il était grand temps pour moi de faire lumière sur cette débauche qui se tramait dans mon dos



C'était un matin. Un matin X ou Y peu importe. Notre moment de tendresse s'était prolongé bien après le buzzer strident du réveil. Lorsque mon retard à la pointeuse était devenue une évidence dans mon esprit je m'étais levé en catastrophe du pieu. Et tout en enfilant ma chemise de travail j'avais avalé un café brûlant puis étais parti en courant. Cinq étages à dévaler et deux kilomètres de dédale urbain à traverser pour le trouver. Lui. Mon supérieur. Il m'attendait montre gousset à la main. J'avais déjà écopé d'un avertissement le mois précédent pour propos diffamatoires envers sa petite personne. Il me convoqua pour me recadrer. Je le devinais jubiler. Son discours il le préparait depuis des semaines Il guettait mes erreurs tel un chasseur le faisan. Mais je n'avais pas l'intention de lui faire l'honneur d'écouter son laïus déprimant. Et jusqu'à ce qu'il m'annonce ma mise à pied pour une durée indéterminée je chantonnais seul-tout les paroles de mon crew préféré "Mais qui t'es toi pour me parler comme ça? T'es placé par papa et tu te crois plus fort que moi? Mais qui t'es toi pour me stresser comme ça? Qu'est-ce qui te donne le droit de te croire au dessus de moi? Tu te crois supérieur parce que t'es mon supérieur? Espèce de bâtard je vais te péter le postérieur! Et quand tu f'ras le bouffon dans ta caisse de fonction, Fait gaffe j'aurais peut-être scié la direction!" Pas le temps de lui expliquer ma vie avec une petiote de dix centimètre sexuellement insatiable et avide de prise de sang. Je me levai et regardai son mobilier de bureau. La misère du bon goût. À nouveau j'étais une publicité. Votre sous-main en simili cuir avec un liseré dorure or répondra à vos exigences de classe et d'élégance. Il valorisera votre bureau. Oui ce modèle à 97€ H.T. conjugue luxe et raffinement. J'avais un doigt sur ma main. En fait j'en avais cinq mais je n'en utilisai qu'un. Je l'enfonçai tout au fond de ma bouche, là où il est possible de jouer avec ses amygdales. Et depuis ma forteresse buccale je fis pleuvoir sur son magnifique sous-main mon liquide fraîchement secrété. Je me raclai la gorge à la recherche du glaire perdu. Gagné le v'là tombé. Sans lui laisser le temps de me foutre à la porte je tournai les talons et quittai cet endroit putride. Dans quelques jours je serai viré. La chance allait peut-être enfin tourner.



C'est un véritable cyclone qui me déposa à l'entrée de mon immeuble. Quelques étages à grimper et je serai chez moi. Mais en attendant j'étais en terre étrangère, en zone hostile. Mon corps réclamait mon lit. Je me sentais épuisé par la décharge nerveuse de mon licenciement. Un trop plein d'émotion contenu et non maîtrisé. Des bruits inhabituels retinrent mon attention. Ces bruits, cris et voix humaines, dissimulés par les épaisses cloisons orientèrent mes pas. Je me laissai ainsi guider jusqu'au second étage. Les voix étaient audibles limites compréhensibles. Il y avait du Vas-y il y avait du Prends. À ces ordres sans appel répondaient de douloureux râles qui phonétiquement pouvaient se traduire par Hhuum! ou Argg! Je me laissai porter par mon goût du vice jusqu'à l'épicentre de ces sons rauques. Là, derrière la porte verte, au numéro 2, ma Marylin Chambers m'attendait. Où plutôt ne m'attendait pas. Moi qui nous voulais un couple sans attache je fus heurté de plein fouet par un sentiment exacerbé de jalousie sans précédent. Exercice délicat que de confronter son envie d'être théorique à son ressenti de l'instant. Cela ressemblait à une réunion de voisinage avec pour invité d'honneur ma petite dame. Où quand le club des cinq reçoit à tout va... De ce spectacle qui techniquement parlant s'apparentait à un gang bang matinal j'en souffre encore. On aurait cru un mauvais film X. Une série Z du X. Non pas que la pornographie me gêne, en fait c'est l'emploi du nom commun industrie dans l'expression industrie pornographique qui m'inquiète. Je vois des corps féminins désarticulés acheminés par camion entier, poncés, javellisées puis exposés sur des chaînes graissées pour l'occasion où un à un les ouvriers en cadence apportent leur petite contribution. Et ils burinent et ils burinent... Le bout de bidoche est façonné et transformé: De la valeur ajoutée messieurs! Et à la sortie de l'usine tous se gargarisent: baisé et livré dans les délais.



Elle était là, droit devant moi. J'étais caché, j'étais invisible. Tapis dans l'obscurité du couloir j'étais un voyeur qui n'arrivait pas à s'exciter. Posée sur la table de la cuisine elle ne me voyait pas. Je la distinguais à peine, pourtant je reconnus sa robe de guingan à carreaux bleus et blancs, un peu délavée mais encore très jolie. Elle dansait au beau milieu d'une forêt broussailleuse faîte d'arbres de chairs, gonflés et tendus en raison d'une excitation inhabituelle. La sève rouge affluait et coulait dans les vaisseaux veineux des cinq arbres pour dresser et maintenir dur le bosquet improvisé. Et quand ma petite dame, de ses bras menus encerclait un tronc rose et palpitant, faisant descendre son empoigne depuis le sommet fragile à la base pileuse, la pression artérielle de l'heureux propriétaire augmentait à une allure comparable à sa fréquence cardiaque. Elle était telle une enfant qui coure et chante en forêt, bondissant d'arbre en arbre. Dorothée, oui c'est cela. Elle était l'héroïne du magicien d'Oz. Sensible et un peu naïve à la fois. Elle fanfaronnait avec ses acolytes. En plus de Munchkins le barbu il y avait l'épouvantable idiot aux cheveux de paille, le costaud aux prothèses rouillées et le timide à la crinière rousse qui rugissait chaque fois que la petite Dorothée lui adressait un de ces regards allumeurs dont elle seule avait le secret. Dieu me garde de savoir qui jouait le rôle de Toto, cette sale petit boule de poils. D'aucuns auraient imaginé un onirisme délicieux se dégager de cette scène... Mais il n'en était rien car derrière la mise en scène théâtrale je voyais clair dans leur jeu. Et la lubricité de ce petit groupe s'affichait sans vergogne. Tous coupables, no one is innocent. J'étais la vilaine sorcière de l'Ouest et je détruisais leur petit cirque des horreurs. Freaks will die. Debout les uns contre les autres dans leur plus simple appareil ils s'agglutinaient autour de la table, prenant appuis sur son rebord polis. Les petits se dressaient sur la pointe des pieds tandis que les grands pliaient du genoux. Les chaussettes des plus frileux étaient remontées à mi-mollet. Le sexe en confortable position, les couilles délicatement posées sur la nappe, tout cela donnait un aspect forcément nature à l'ensemble. Ce soir quand la fillette du gros Munchkins rentrerait de l'école primaire elle s'exclamerait avant de commencer son dîner «Maman, pourquoi ça pue la baise dans la cuisine? ».



Mais qu’importe... je ne souhaitais pas connaître la chute. Mes mains n'en pouvaient plus d'assister à ce spectacle amateur. Je voulus les ranger dans les poches de mon jean puis me rétractai. Par respect, je n'entendais pas ramener ces hommes en plein effort à ma condition d’homme vêtu. Eux, aux bras le long du corps. Je leur tournai les talons et regagnai mes quartiers. Ce jour là, seul et enfermé chez moi, je ne m’entaillai pas, fait rarissime au vu des conditions réunies. Elle rentra vers les 18h. J’étais déjà couché et malgré le cyclone qui continuait de tournoyer dans mon bocal de crâne je fis mine de ne point l’entendre. Si elle voulait son assiettée de sang, le bocal était au frigo. Facile à trouver. Comme chaque soir, cependant, elle s’endormit à mes cotés. Depuis les choses ont changé. Je sais qu’elle sait. Elle ne dit mot, mais son regard se fait vicieux. Elle se joue de la situation. Je compte ses heures d’acharnement sexuel. Moi, je ne me la saute même plus. Je n’éprouve que du dégoût à son égard. Aucune maîtrise de son enveloppe charnelle. Pour m’aider à vomir, je la regarde. Les boîtes à lettres sont des objets hideux mais pas autant que leurs occupants. Dorénavant je la surnomme « ma peau morte ». Je rêve d’une maladie de sang pour lui refiler mes parasites en apéros. Mais je n’ai rien. Alors, je lui concocte des cocktails, dans lesquels je mélange mon sang aux croûtes de mes plaies non cicatrisées. Grumeaux de croûte baignant dans sang pollué espéré. Je me marre à l’entendre se racler sauvagement la gorge quand une croûte l’obstrue. Longues séries ignobles de double R. Ce petit bout de moi en toi je te le laisse qu'il se mélange aux autres impuretés qui enduisent tes parois. Oui, ma chérie, je ne te supporte plus. Tant que tu vivras, je ne guérirai pas. Promis. Alors viens quémander ton verre de sang avarié, je t'attends. Pauvrette. Je souffre de n’avoir pour seul plaisir celui de te voir dépérir. C’est ainsi:


Mal prononcé, fané s’entend vanné.

Mais moi, je n’ai pas de problème d’élocution.




... to be continued

la suite sera en ligne mercredi 9 mai

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Thank you for the work you have done into the article, it helps clear away some questions I had.