lundi 7 mai 2007

Chapitre 13 - The last splash

.
.
.



Quand plus tard je lui demandai de me décrire la sensation qu'elle avait éprouvée Michèle me regarda avec une expression vide et articula sans conviction:


  • C'était comme d'écraser une tomate.

J'acceptai sa réponse et m'en retournai à mes occupations. Puis, après que mon cerveau eut prit le temps de malaxer et de digérer sa phrase je me tournai vers Michèle et lui demandai:


  • Comment ça "écraser une tomate"? Ça t'es déjà arrivé à toi d'écraser une tomate?


Mes questions l'embarrassaient. Elle manifesta cet état d'irritation par un regard glacial associé à une crispation d'impatience. Et de son timbre de voix qu'elle savait à l'occasion rendre désagréable elle maugréa:


  • Oui, oui.... Oui ça m'arrive. Mais.... Qu'est-ce que.... Enfin... où veux tu en venir avec ces questions saugrenues?


À nouveau sa réponse me laissait perplexe.


  • Mais enfin... je veux juste comprendre insistai-je. Quand tu dis "ça m'arrive" en parlant d'écraser des tomates tu veux dire que cela t'arrive ou que cela t'est arrivé.


  • Non je veux dire que cela m'arrive. C'est pourtant clair quand même. Mais, as tu bien regardé la situation dans laquelle nous sommes? Oui? Et tu ne crois pas qu'il est des choses plus importantes à faire que de te préoccuper de mon habitude à écraser des putains de tomates!


J'enfonçai le clou.


  • Tu es donc d'accord: il s'agit bien d'une habitude. Mais comment tu t'y prends au juste? Tu passes dans la cuisine, tu vois les tomates et hop tu en repères une qui ne te plaît pas ou au contraire tu en prends une au hasard puis tu la poses sur le sol et d'un coup dévastateur tu l'exploses. Et cela représente combien de tomates par semaine? 2, 5, 10? Vas-y explique moi, je trouve cela intrigant...


Elle était très remontée. Mon insistance l'épuisait.


  • Mais c'est quoi le problème? Tu y étais attaché à ce point c'est cela?

  • Non je n'ai rien dit de tel mais on parle d'un mort quand même! Tu ne peux pas l'avoir tué et n'éprouver aucun remord.

  • Ouvre bien tes écoutilles mon chéri. Tu vois à quoi ressemble une tomate? Oui? Et maintenant tu la visualises? Ronde, rouge, pulpeuse, elle est aguicheuse n'est-ce pas? Et c'est normal qu'elle soit aussi sexy car elle est humaine ou presque. Une chair rouge enveloppée d'une fine et douce membrane... Oui ainsi couverte de sa belle peau elle est semblable à l'homme. On est loin d'une bidoche sous film. En fait la tomate est le fruit sensuel par excellence. Mais si on exerce une pression, même faible, sur son sommet alors on met cette beauté en péril. Sa peau commence à se craqueler puis à se fissurer de tous bords. Et si l'on continue à appuyer alors c'est sa chair qui se fait la malle. Par toutes ses fissures la chair éclabousse s'en allant tâcher les pieds de chaise et bientôt, du fruit séduisant, il ne reste qu'une peau morte, vide et déchirée...


Je pensai à Kim Deal qui il y a quelques années chantait I'm the last splash I know you little libertine et avant que je puisse me souvenir du nom de la chanson Michèle reprit la parole qu'elle n'avait pas vraiment abandonnée.


  • Alors quand l'occasion de réduire en bouillie ta petite pute vêtue comme un coursier de la poste s'est présentée je ne me suis pas posée de question et je l'ai écrasée avec le même savoir faire dont j'use pour aplatir ces satanés tomates... Sans remords. Quand à cette chanson que tu sifflotes bêtement c'est cannonball.



La petite dame de la boîte aux lettres était morte. Michèle s'était chargée de l'exécution. La sentence: une condamnation à la peine capitale par écrasement du corps comme aux plus belles heures de la torture. Pour un crime indéterminé qui plus est. Quoique... Cela est fonction du prisme par lequel on regarde la scène. Petit retour en arrière. Tandis que Michèle, à l'étage, prenait des nouvelles de Carol-Anne je me reposais dans notre lit tout en lisant quelques pages d'Onc'arol. Il décrivait sa petite dame comme une espèce de nymphomane. Je n'y croyais guère et puis je fus soudain sorti de ma lecture. Sous ma couette molletonnée ma queue se gorgeait de sang. Comme une trique du matin sauf que mon réveil était déjà lointain. Je ressentais ses coups de langue goulus, qu'elle délivrait sans ménagement. Son épaisse salive m'humecta et dans un mouvement saccadé difficile à contenir je manifestai mon entrain. Un appel à la réserve lointain essayait de briser cet enthousiasme. Cet appel me demandait de comprendre comment elle s'était faufilée dans l'une de mes poches alors que je fuyais l'appartement de Carol. Renvoyant cette question aux confins de mon monde je me laissai glisser avec délice pour un moment moins cérébral. Je soulevai le drap. Et c’était bien sûr, la petite dame récemment qualifiée de peau morte et de cuvette qui avec culot me travaillait avec la même efficacité qu'un chien rongeant son os. Son rythme, ses façons de gesticuler autour, dénotaient son professionnalisme en la matière. Aucune ingénue fausse note. Tandis que je déposai le journal de Carol en marquant ma page, je croisai son regard langoureux qui me disait "Viens". Je l’imaginais alors telle une compagne idéale de voyage, rangée entre le puissance 4 et le touché coulé de poche. Toujours à portée de main. Et puis comme il se doit je vis mon vit montrer sa vie. Trop vite. « J’emprunte ta douche, merci ». Sans même prendre le temps de se reposer dans le creux de ma cuisse elle m'abandonna à ma condition d'homme nu. Je me laissai retomber sur l’oreiller, un peu confus. C’était fait. Je ne savais pas comment honorer la mémoire de mon défunt beau-frère, et bien voilà. C’était si simple, il suffisait d’en faire un cocu-posthume. Je me voyais déjà comparant mon expérience avec le club des cinq. Nous mesurant les uns les autres. Nous serions classe, enfin, pas trop. Fraîche, ma petite dame me rejoignit, et se lova contre moi. Son affection forçait à l’amour. Nous aurions pu fumer une cigarette mais n’en avions pas. Alors, nous scrutâmes le plafond sans éclat comme un ciel nuageux. À nos nuages imaginaires, nous donnions vie. Ici on distinguait un animal et un peu plus loin un visage humain ou encore un moulin. Les minutes s’égrenèrent, ce furent les plus douces de la journée. À nouveau elle vint à moi, s’offrant ainsi à ma bouche de pudeur sèche. Corps ployé, exigu secret dévoilé, abandon humide. Ses jambes allaient et venaient sur mes joues et sa moiteur, le long de mon visage, s'égara.


« Carol–Anne… ». Carol-Anne joue sagement dans sa chambre, était la phrase que Michèle s’apprêtait à dire, lorsqu’elle ouvrit la porte de la chambre, me surprenant ainsi, avec une autre dans la gueule. Dans la confusion de l'instant je mordis avec maladresse la petite dame. Elle poussa un cri du coeur. Le combat pouvait commencer. Mais il était si déséquilibré. Et tout se passa très vite, trop vite pour que je réagisse. Le spectacle semblait déplaire de manière excessive à mon épouse qui menaçait qui voulait bien l’entendre. Je restais là allongé et con, le sexe en érection. Menée par l’instinct de survie la petite dame s’échappa de mon piège buccal et tenta une fuite désespérée. Un mince filet de sang, s’extirpa de son intimité blessée. Michèle prit place près du lit et en contrôla toutes les issues. Des mots volaient je ne les écoutais pas. La petite dame courait sur le drap telle une souris paniquée. Vainement elle cherchait une solution en ma personne. Mais j'étais comme anéanti, incapable d’intervenir. Il n'y aurait pas d'assistance à personne en danger. Démerde-toi semblait dire mon immobilisme. Michèle ne la quittait pas des yeux, préparant une attaque portée. Des insultes, quelques cris, d’inutiles explications, tout cela participait à l’ambiance sonore de cette extase à trois. Dans sa course désordonnée, la petite dame continuait à perdre son sang. Le drap serait bon à changer. Et son sang se mélangeait au mien. Ce n’était pas artistique, juste tâché. Profitant d'un regard réprobateur que Michèle m'adressa, la petite dame s’évada du lit et courut sur le parquet. Immense parquet malheureusement. La fuite n’était qu’une illusion. Car Michèle était aux aguets. Elle ne fit pas de sentiment. Son pied était une arme. Et d’un pas lourd, Michèle aplatit la petite dame. Coup fatal. La poste venait de perdre une factrice. Ma bite s’était rétractée et j’écoutais le souffle chaud de mon épouse. Je lui proposai un verre. Elle accepta. Sous sa chaussure, reposait un petit bout de femme transformé en bout de chair. Michèle se déchaussa et placidement articula « faut que j’aille laver ma semelle ».



Dans notre chambre, nous étions ridicules. Elle, debout, sa grolle à la main et moi, allongé, nu, la queue basse. C'est plus tard qu'elle me parla des tomates... Et il s'était bien écoulé une heure de plus lorsqu'elle releva son visage ému et articula "Je veux voir son corps. Je veux voir Carol."






... to be continued

la suite sera en ligne mercredi 16 mai

1 commentaire:

Anonyme a dit…

tres intiresno, merci